Chemins de vie : en quête de soi avec Pauline Wald (Sup de Co 11) !
Pauline Wald (Sup de Co 11) s'est lancée dans une aventure un peu folle : parcourir près de deux mille kilomètres à pieds, sur le sentier de Saint Jacques de Compostelle au départ de l'Alsace. Un voyage pour se retrouver, se questionner : partir à la rencontre de soi. Un voyage, des rencontres, un récit :
« Chemins de vie » nous propose de vous suivre dans une aventure comme il y en a peu dans la vie : un périple de près de 2 000km, depuis votre ville natale près de Strasbourg jusqu’à St Jacques de Compostelle. On ne se lance pas dans une telle aventure sans raison : quel a été l’instant crucial du déclic ?
Pauline Wald : J’ai commencé à travailler en tant qu’auditrice interne dans un groupe bancaire après une école de commerce. Au bout de quelques années, je me sentais happée par l’engrenage métro-boulot-dodo et les tâches qui m’étaient assignées me paraissaient de plus en plus absurdes. Je me suis levée un matin, affaiblie par la charge de travail, en me posant la question : Quel est le sens de tout ça ? Comment me suis-je retrouvée ici en tailleur à remplir des documents Excel et faire des présentations Powerpoint sur la réduction des risques d’une banque ?
J’ai compris que j’avais passé la première partie de ma vie à suivre un chemin qui avait été tracé pour moi par d’autres. J’ai eu besoin de ralentir et de me connecter davantage à moi-même. L’idée de marcher seule en sac à dos s’est imposée progressivement comme une évidence. J’avais entendu parler du Chemin de Compostelle et le fait d’avoir cap, une « destination » créait la structure dont j’avais besoin pour me laisser aller à l’inconnu et à la magie. Je me suis dit que le mouvement du corps quotidien apporterait un mouvement dans mon esprit.
Pensez-vous que c’est une aventure à la portée de tous physiquement ? Combien de temps avez-vous mis pour réaliser ce grand voyage ?
P.W. : Je pense vraiment que le chemin de Compostelle est accessible à tous et toutes physiquement. Je me suis lancée sans aucun entraînement préalable à part celui de marcher dans Paris.
Si vous ne vous entraînez pas avant, je vous conseille de commencer par des petites étapes de 15 kilomètres par jour et d’augmenter progressivement le nombre de kilomètres pour laisser le corps s’habituer au début. J’ai mis 4 mois pour parcourir 2000 kilomètres en prenant mon temps. Parfois, je marchais seulement 10 kilomètres et je me suis arrêtée pendant 10 jours et ai gardé un gîte pour pèlerins alors que j’avais un début de tendinite.
Vous expliquez au début du film, que les moments de grâce se succèdent avec les moments de découragement : comment gère-t-on cela ? Ne s’enferme-t-on pas finalement volontairement dans la difficulté, sans autre solution que d’aller de l’avant pour être face à soi et voir ce qui va se passer ?
P.W. : Je pensais que si je me libérais des contraintes de ma vie de bureau à Paris et que si je marchais seule dans la nature, j’allais forcément être dans une joie permanente. Dès les premiers kilomètres, j’ai eu mal aux pieds et au dos, je me suis perdue dans une forêt alors que la nuit commençait à tomber, j’en ai eu raz le bol de marcher et j’ai fait face à un flot de pensées et d’émotions pas toujours agréables alors que je marchais seule. Et je crois que c’est ça la leçon que je tire de ce Chemin : apprendre à accepter les difficultés, ne pas chercher à les supprimer, ne pas me plaindre quand je me sens au plus bas. J’ai compris à quel point les moments de découragement et les moments de grâce étaient les deux face d’une même pièce de monnaie : l’un n’existe pas sans l’autre. Et souvent, derrière un moment difficile, il y a un cadeau derrière. Il s’agit de continuer à marcher quelques pas de plus pour voir ce que le Chemin réserve.
Au début, le film est comme un carnet de voyage, et puis, au fil de vos rencontres, vous décidez de l’ouvrir aux autres pèlerins pour tenter de comprendre ce qui pousse les autres à entreprendre eux aussi cette quête qui semble si difficile. Ce déclic, d’aller vers l’autre, n’est-il pas déjà un premier tournant dans votre recherche de vous-même ? Pensez-vous que la réalisation du film vous a aidé à tenir ? N’étais-ce pas déjà rassurant pour vous de donner ce premier sens à une épopée qui n’en avait pas forcément pour vous lors des premiers pas ?
P.W. : Plus j’avance vers Saint-Jacques de Compostelle, plus je rencontre d’autres pèlerines et pèlerins. A la base, je n’avais pas prévu de faire de film mais juste de publier des interviews de pèlerins sur ma chaîne YouTube. Alors que je demande aux personnes que je croise pourquoi elles marchent et ce que ça leur apporte, je réalise que je ne suis pas seule à avoir voulu quitter un monde qui va vite pour me retrouver. C’est comme si la rencontre était un miroir de moi-même, et que ce reflet me faisait avancer dans ma propre quête. Au fur et à mesure des interviews, l’idée me vient d’en faire un film alors que je ne suis pas dans l’audio-visuel à la base. Je vois le film comme le fruit « concret » que je tire de ce Chemin, le cadeau que je me suis faites à moi-même et que je distribue aux autres. Cette aventure du film m’a permise de trouver davantage de sens à ce Chemin mais aussi au chemin de la vie plus généralement.
Est-on déconnecté complètement ? Est-ce important selon-vous ? Vous avez fait le choix d’emmener votre smartphone ? Si oui, pour quelle raison ?
P.W. : J’ai en effet amené mon smartphone, qui m’a servi de GPS lorsque je me suis perdue, et qui me permettait de filmer (même si j’avais aussi un autre appareil photo) et de donner des nouvelles à des proches. Mais dès le début, j’ai décidé de laisser mon téléphone en mode avion la plupart du temps. Je l’allumais environ tous les 3 jours. Je crois que la déconnexion est importante sur ce chemin dans le sens où elle nous fait vivre encore plus intensément le moment présent. Notre attention n’est pas happée par des messages auxquels il faut répondre. Chaque personne peut décider du degré de déconnexion qu’elle souhaite s’offrir. Cette déconnexion m’a permise d’expérimenter une autre connexion, plus profonde, avec moi-même et avec les autres.
Qu’est-ce qui différencie fondamentalement ce chemin d’une autre randonnée « classique » ? Peut-on l’envisager sans ressentir un besoin initial de guérison ou d’interrogation sur soi malgré sa difficulté ?
P.W. : Dans mon film, un ancien pèlerin et accueillant, Jean-Gaëtan, dit que « Le chemin de Compostelle, ce n’est pas le GR 65. C’est le même endroit, mais ce n’est pas le même chemin. Il y a des gens qui randonnent et des gens qui vont sur le Chemin de Saint-Jacques. C’est l’intention qu’on y pose qui change toute la donne. ». Le Chemin de Compostelle est un chemin de pèlerinage avec une histoire et une énergie particulière. J’ai rencontré beaucoup de pèlerins et pèlerines dans une quête spirituelle ou une démarche de reconstruction après une dépression ou un burn-out. Mais on peut marcher sur ce chemin simplement pour le désir de le parcourir, sans intention précise et s’ouvrir à ce qu’il a à nous apporter.
Quel message souhaiteriez-vous partager avec les membres du réseau NEOMA pour le mot de la fin ?
P.W. : Si je n’avais pas créé de l’espace en moi, en quittant ma vie stressante pour me retrouver seule en sac à dos, j’aurais sans doute fait un burn-out. Je crois que nous vivons dans une société de l’information où il y a sans cesse de nouvelles sollicitations. Si j’ai un message à passer, c’est celui de s’offrir des pauses de temps en temps, dans la nature, sans internet. C’est souvent de ce vide fertile qu’émergent de nouvelles idées, au niveau personnel ou professionnel. Bien sûr, le Chemin de Compostelle est parfait pour ça. Mais il peut aussi s’agir de passer 3 jours dans une maison à la campagne sans aucune tâche sur sa to-do liste. Ces pauses sont les instants de silence entre les notes de musique. Sans elles, il n’y a pas de mélodie.
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