Faut-il faire tomber le client-roi de son piédestal ?
SI LE CLIENT EST ROI, IL ARRIVE QUE CE ROI-LÀ ÉVOLUE EN CLIENT DÉVIANT, VOIRE QU’IL DEVIENNE TOUT SIMPLEMENT… INGÉRABLE. DES CHERCHEURS ET DES PRATICIENS SE SONT POSÉ LA QUESTION POUR DÉGAGER LES RÉPONSES TYPES DES ORGANISATIONS FACE À CES COMPORTEMENTS DÉVIANTS. LE CLIENT PEUT ÊTRE UN ROI MAIS PAS UN DICTATEUR.
Jean-Baptiste Suquet | Aurélien Rouquet | Jean-Michel Huet (PGE 97) | Xavier Metz |
Jusqu'où tient le mythe ?
On ressasse depuis longtemps, des bancs de l’université aux comités de direction, que le client est roi. Il convient de le satisfaire, et c’est de sa satisfaction que découle le succès d’une entreprise. Relayé à tous les étages des organisations, ce discours est devenu un mythe : c’est-à-dire qu’il n’est plus ni discuté ni discutable par les acteurs de la relation client. Pourtant, alors que cette dernière implique une pluralité de parties prenantes, la préséance des clients est une question à se poser sérieusement, au-delà du mythe.
Le mythe, du fait de sa nature de discours simplificateur qui donne du sens et légitime un état de fait, contribue en effet à masquer la complexité des relations de pouvoir en jeu dans la relation client. Pour le dire autrement, en présentant une version heureuse et idéale de la relation entre les clients et les acteurs au contact de ces derniers, managers et employés, le mythe du client-roi passe sous silence les difficultés qu’il occasionne pour le personnel de l’entreprise.
Les retours du terrain convergent ainsi pour souligner les écarts de conduite récurrents des clients auxquels sont confrontés les employés : insultes, harcèlement, incivilités, fraude… Ces phénomènes ne sont ni ponctuels, ni limités à un secteur ou à une catégorie de clientèle. Bien au contraire, encouragés par le sentiment d’impunité que diffuse le discours du client-roi, ils sont devenus endémiques, et font aujourd’hui partie du quotidien des acteurs opérationnels. Cela soulève la double question de leur capacité à endurer ces comportements, et du soutien apporté par l’organisation.
Or, il est souvent délicat pour les organisations de réagir, et de donner tort au client. Les acteurs opérationnels eux-mêmes sont ambivalents, et s’ils constatent les excès auxquels peut mener le mythe, ils ne vont pas jusqu’à le remettre en cause. Cela génère une situation dans laquelle le mythe perdure, sans que ne soit réglé les difficultés qu’il cause sur le terrain. Stress, turnover, moindre qualité de service… Est-ce vraiment vertueux ou performant ou contreproductif ? Il y a probablement
un moment où les acteurs opérationnels disent « stop ».
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