Rédigé par Maxence Puton (PGE 18) et Réda Laanaya (PGE 21)
La réalité aujourd’hui est indéniable : les applications majeures de la technologie Blockchain se sont tellement multipliées au cours de cette dernière décennie que l’on ne peut plus les compter sur les doigts de la main.
Néanmoins, cette montée en puissance semble être accompagnée par des points obscurs tout aussi fracassants que l’a été les applications révolutionnaires de cette nouvelle technologie.
L’impact écologique est en ligne de mire. Cela est-il réellement justifié ?
Examinons les faits actuels pour tenter de définir le réel impact écologique de la Blockchain sur l’écosystème de l’Homme.
Le côté obscur de la blockchain
La technologie blockchain permet d’inscrire des données dans une plateforme avec une garantie élevée de sécurité, de traçabilité et d’immuabilité de ces dernières. Son utilisation requiert un coût énergétique très important dans la mesure où un grand nombre d’ordinateurs est mobilisé durant le processus d'inscription des données. Concrètement, des acteurs vont essayer de résoudre des calculs complexes à l’aide d’un grand nombre d’ordinateurs ce qui va entraîner une consommation importante d’énergie. C’est pour cela que certains affirment que la Blockchain est énergivore, même si ce propos est à nuancer.
Trois principaux types de blockchain existent : la publique, la privée et le consortium. La blockchain publique signifie que tout acteur peut y accéder et y inscrire des données, tout en respectant les règles de la dit-blockchain. Bitcoin a été la première de ce genre. Par la suite, ont émergé des Blockchains privées. Ces dernières nécessitent d’avoir une autorisation pour pouvoir y accéder. C’est par exemple le cas de la Blockchain TradeLens, d’IBM-MAERSK, qui autorise uniquement les acteurs du secteur de la logistique l’accès à des données relatives aux transactions d’expédition. Quant à la blockchain consortium, il s’agit d’un modèle hybride que nous n’aborderons pas dans l’article. Il est également à souligner que le faible nombre d’acteurs mobilisés sur une BC privée induira une consommation énergétique non comparable et bien plus faible qu’une BC publique.
Ainsi, une blockchain privée ne consommerait pas plus qu’un ordinateur classique alors qu’une Blockchain publique, tel le Bitcoin, représenterait près de 0,27% de la consommation d’énergie mondiale.
La révolution écologique
Si la blockchain a été affublée de tous les maux écologiques à ses débuts, l’avenir en dira sûrement autrement... Il y a quelques années, les Blockchains publiques, comme le fameux Bitcoin, étaient pointés du doigt pour leur consommation excessive d’énergie provenant directement de centrales à charbon, la plupart du temps localisées en Chine (électricité peu coûteuse). Qui plus est, une pollution au service de validations de transactions financières !
Cette époque semble révolue puisque les applications des Blockchains publiques, privées ou consortiums ne se limitent plus seulement à la finance lucrative, mais s'appliquent partout dans la vie quotidienne. Cette transparence et certification nous permettra d’être plus serein lors de notre choix de produits de quotidiens tels le miel, le lait en poudre ou encore le hachis parmentier… Plus que des proof of concepts (POC), les industriels assurent aujourd’hui en grande partie la provenance et la qualité de notre alimentation. Des grands groupes ont ainsi mis en place des systèmes de traçabilité pour certains de leurs produits, à l’instar de Carrefour, qui assure la traçabilité de ses poulets via la Food Trust Platform d’IBM. Le phénomène ne se limite pas à la seule traçabilité de pommes de terres ou de poulets, mais également à une gamme de produits adulés par les Français et exportés dans le monde entier : le vin.
De grands industriels de la technologie tels que IBM, Sopra Steria, Microsoft ou encore le géant Chinois Tencent ont flairé ce besoin de contrôle de la provenance dans le secteur de l’alimentation. De nombreuses plateformes de suivi de marchandises se sont alors développé à travers le monde permettant ainsi de connaître les conditions de transports, la localisation, la température ou encore le tremblement de la marchandise. En tête de l’adoption de ces plateformes, se trouve la Chine en raison du poids de la contrefaçon élevée de ce pays (près de 40 % pour le marché du vin en 2015). L’alimentation n’est qu’un des produits du quotidien faisant partie de l’écologie humaine. En effet, l’écologie n’est pas seulement l’air que nous respirons ou la qualité du sol qui nous nourrit. Elle se définit également par les interactions des êtres vivants avec leur milieu, que celui-ci soit composé ou non d’autres êtres vivants. Outre l’alimentation, la Blockchain a eu un rôle de catalyseur dans le secteur des énergies renouvelables et a ainsi boosté les applications et projets dans ce secteur. Selon PWC, cette technologie répond aux grands enjeux du secteur de l’énergie notamment en certifiant la production, la consommation ou la provenance d’électricité, et cela, de manière automatisée et presque instantanée. Les grands producteurs du secteur peuvent ainsi certifier leur production renouvelable et les systèmes d’échanges des droits d’émissions et donc des taxes sur le CO2.
Les modifications ci-dessus ne sont que des exemples parmi d’autres qui peuvent bénéficier aux géants énergétiques. En France, des initiatives locales, s'inspirant du modèle des géants poussant toujours l'innovation plus loin, voient également le jour. La blockchain, permettrait-elle de remettre en cause le modèle centralisé énergétique français en privilégiant un modèle local de consommation et de production d’énergie ? Des projets comme Brooklyn Microcrid et NRGCoin semblent donner de plus en plus de poids à cette alternative éco-positive.
Ou la révolution verte des cryptomonnaies
Le modèle de décentralisation de la validation des données (principe fondateur de la Blockchain) s’étend à d’autres domaines tel que celui de l’énergie. Si en France, le vieillissement de nos centrales nucléaires, reposant sur un système centralisé, devient une réalité indéniable, force est de constater qu’il existerait une alternative plus écologique et décentralisée. Une initiative outre Atlantique nous confirme cela en mettant à disposition des petits producteurs d’énergie renouvelable, une plateforme basée sur la technologie Blockchain permettant d’être rémunéré en cryptomonnaies : le SolarCoin.
Cette cryptomonnaie pourra être dépensée directement de manière fiduciaire ou être échangée sous forme de coupons de réduction chez un électricien, ce qui donnera un nouveau coup de pouce pour l’autoconsommation locale. L’objectif ambitieux de la jeune start-up est de récolter 97.500 Twh en 40 ans ! Pour rappel, la France a consommé 474 Twh en 2019 ! Les géants de l’énergie vont-ils épouser cette initiative ou la laisser devenir un concurrent ? Rendez-vous dans quarante ans puisque le prix de rachat d’un SolarCoin est de 0,04$/kWh contre une tranche de rachat en France située entre 60€ et 200€ le kWh. Tel l’Empire Romain, les cryptomonnaies conquièrent de plus en plus de cœurs au travers de leurs multiples applications. Les dauphins et les bébés tortues les remercieront peut-être un jour d’avoir participé à leur sauvetage lors du XXIème siècle !
Selon l’UNESCO, les déchets plastiques coûtent la vie à plus d’un million d’oiseaux marins et plus de 100 000 mammifères marins chaque année. Une start-up, Plastic Bank, a décidé de s’attaquer à cette problématique en utilisant la technologie Blockchain. Lancée en 2013 par David Katz et Shaun Frankson, elle est aujourd’hui présente dans plusieurs pays (Haïti, Brésil, Indonésie et Philippines) via ses points de collecte.
Leur solution se présente en deux étapes : dans un premier temps, les particuliers vont collecter et / ou apporter leurs déchets plastiques à Plastic Bank qui va les rémunérer pour cela (on y reviendra dans un instant). Dans un second temps, cette dernière va les recycler et les revendre à de grands groupes comme Unilever ou Procter & Gamble qui s’en serviront pour leurs nouveaux produits. La spécificité de cette rémunération des particuliers pour leurs services tient à sa nature même. En effet, il y a deux manières d’utiliser son gain.
- On peut tout d’abord l’utiliser via un jeton dont la valeur serait adossée à celle du dollar américain (comme le cas du Tether). L’avantage de ce type de jeton est qu’il apporte une certaine stabilité à la cryptomonnaie en adossant sa valeur sur celle du dollar (les crypto-monnaies, comme vous le savez, sont réputées être très volatiles).
- Il pourra être utilisé comme une cryptomonnaie classique ou contre de la monnaie fiat. On peut également utiliser le jeton comme monnaie d’échange pour pouvoir acquérir tout un tas de produits comme l’électricité ou la connexion wifi.
Ce qui est intéressant dans la seconde option est qu’on peut obtenir des produits dont la valeur est bien plus élevée que celle du jeton dont on est en possession.
Quelles autres applications de la Blockchain dans le domaine de l’écologie sont-elles encore à venir ? Quelle sera la prochaine innovation de la Blockchain dans l’écologie ? Une transparence accrue de l’information des investissements financiers durables ? Une preuve de fabrication éthique de maroquinerie provenant de certains pays d’Asie ? Une traçabilité du bois provenant de forêts certifiées ? In fine, la Blockchain pourra-t-elle sauver le fragile écosystème de notre cher Homo Sapiens ?
LEXIQUE | BIOGRAPHIES | |||||
Brooklyn Microgrid : Projet permettant à des quartiers d’être autonome en énergie et de revendre celle-ci aux différentes habitations productrices d’énergie du même quartier. Le quartier reste tout de même rattaché au réseau général de la ville POC : Démarche pour démontrer la faisabilité d’une idée, concept d’un point de vue marketing, économique et technique NRGCoin : Contrat s'exécutant automatiquement (smart contract) basé sur la technologie Blockchain rémunérant la production d’énergie verte PWC : Cabinet faisant partie des plus grands cabinets d’audit et de conseil (Big Four) Monnaie fiat : Appellation utilisée pour désigner une monnaie décrétée par un État comme le dollar américain ou l’euro | Réda LAANAYA : Étudiant en finance à NEOMA et toujours prêt à échanger avec vous sur quelques-unes de ses passions que ce soit les enjeux de demain (Blockchain, intelligence artificielle...) ou les nouvelles stratégies de développement des entreprises
Maxence PUTON : Animateur du club digital et du pôle Blockchain, passionné par les technologies de l’information, il sera ravi d’échanger avec vous concernant les sujets de Blockchain du digital ou encore de l'interaction entre les jeunes promotions et l’association Neoma Alumni ! |
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