L’économiste Nathalie Janson, spécialiste de la banque libre et de la régulation bancaire et dont les recherches portent sur les questions de politiques monétaires, de régulation bancaire et les cryptomonnaies, lève le voile sur l’année qui commence…
Que nous réserve 2022 ?
Depuis début 2021, on assiste à une reprise de l’inflation aux États-Unis et en Europe. Quelle est la cause de cette hausse des prix et faut-il s’en inquiéter ?
N.J : Selon la définition de l’économiste libéral Milton Friedman, l’inflation est une hausse généralisée et continue des prix, causée par un excédent de monnaie en circulation. Pendant la pandémie, les banques centrales ont eu massivement recours à l’assouplissement quantitatif, c’est-à-dire qu’elles ont principalement racheté des dettes publiques sur le marché obligataire. Ainsi, la Réserve fédérale des États-Unis (FED) a multiplié par deux le montant des actifs réinjectés pour atteindre 8 700 milliards de dollars, soit 40 % du PIB, alors que le bilan de la BCE représente 60 %. En France, le gouvernement a soutenu les entreprises en maintenant les salaires, la Banque centrale européenne (BCE) rachetant massivement les dettes souveraines. L’économie ayant été à l’arrêt pendant les confinements successifs, les salariés ont été contraints d’épargner leurs revenus faute de pouvoir consommer. Le retour à l’activité a entraîné un goulot d’étranglement en raison du montant important de liquidités en circulation.
Aux États-Unis, l’inflation était de 7 % fin 2021, la plus forte depuis 1982. Il y a des raisons de s’inquiéter car il y a bien une hausse générale et continue des prix, c’est pourquoi la FED prépare la remontée de ses taux d’intérêt. De son côté, la BCE a annoncé le 3 février 2022 qu’elle allait peut-être réduire ses achats de dette et remonter ses taux d’intérêts dès 2022 alors que c’était initialement prévu pour 2023. La perspective de la hausse des taux a déjà fait remonter le rendement des dettes souveraines européennes avec celui de la France repassé en territoire positif. L’accès au financement bancaire et sur le marché financier s’annonce plus difficile et surtout plus cher à la fois pour les entreprises et pour les particuliers. On peut craindre une baisse de l’investissement et du marché immobilier.
Comment expliquer que l’inflation n’arrive que maintenant alors que cela fait plus d’une décennie que les Banques centrales occidentales font tourner la planche à billets ?
Il y a à ce sujet un désaccord entre les économistes keynésiens, qui ont soutenu les politiques généreuses de rachat massif de dettes, et les libéraux. Pour les keynésiens, les politiques d’assouplissement quantitatif n’ayant pas généré d’inflation ces dernières années, la domination fiscale de la politique monétaire ne présentait pas de problème particulier comme le défend la théorie de « l’argent magique » (théorie monétaire moderne). L’inflation qui se manifeste aujourd’hui est selon eux liée aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, notamment les goulots d’étranglement. Du côté des économistes libéraux en revanche, on interprète la bulle des actifs en cours depuis dix ans sur les marchés financiers, sur le marché de l’art et sur le marché des cryptomonnaies et des NFT comme une manifestation de l’inflation qui s’étend désormais aux biens et aux services.
par Pauline Bandelier
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