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Alain Némarq (PGE 76), Président de Mauboussin : l'affranchi

NEOMA Alumni Mag

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12.28.2022

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Alain Némarq a gagné le surnom de « trublion de la place vendôme » en prenant les rênes de Mauboussin. De fait, il n’a pas hésité à casser, non sans provocation, les codes de la haute joaillerie pour donner un nouveau souffle à une maison porteuse d’une riche tradition créative. Son credo ? Rendre le luxe accessible aux femmes modernes, qui prennent plaisir à s’offrir des bijoux. Et, n’en déplaise aux Cassandre, ça marche.


À l’instar de sa conversation, le parcours d’Alain Nemarq est celui d’un électron libre. Soixante-huitard puis professeur à HEC, il acquiert une réputation d’as du redressement d’entreprise dans le secteur chahuté du textile, avant de se réinventer en joaillier à l’aube des années 2000. Nous sommes reçus au siège de Mauboussin, dans un bureau à la décoration chatoyante, digne de la personnalité haute en couleur du maître des lieux comme de la prestigieuse maison qu’il dirige. S’ensuivent deux heures d’entretien à bâtons rompus, où il est tout autant question de création artistique que de stratégie marketing, d’évolutions sociétales que de réflexions sur l’identité…

Pouvez-vous nous retracer les grandes étapes de la saga Mauboussin, de sa création à votre arrivée en 2002 ?

C’est une maison qui, en près de deux cents ans d’existence, n’a connu que 10 dirigeants. Elle a toujours été avant-gardiste en termes de création, de localisation, de discours et d’accessibilité. L’aventure débute en 1827, avec l’ouverture de l’atelier parisien de Monsieur Rocher, rue Greneta. Rocher est un joaillier sans collection propre, qui réalise ses bijoux sur commande pour de grands clients. Il se distingue déjà par sa créativité en développant un brevet qui allège de 15 % le poids des parures, ce qui améliore leur portabilité et permet de les vendre moins cher. La maison, primée à l’Exposition Universelle de Paris de 1878, prend son essor sous l’impulsion de Georges Mauboussin pour devenir un des grands joailliers parisiens des années 20 et 30. Prisée par les artistes, Mauboussin se démarque par son travail des pierres précieuses de couleur (saphir, rubis, émeraude) et son utilisation des grosses pierres fines, semi-précieuses. Pour le monde de la haute joaillerie, c’est une révolution, qui va dans le sens d’une plus grande accessibilité. 

Après un premier déménagement rue Choiseul, la maison se déplace après guerre place Vendôme. Elle est la première à ouvrir des vitrines au rez-de-chaussée, qui donnent directement sur la rue. Ses concurrents suivent. Les années 60 et 70 voient les très belles collections « Arlequin » enrichir ses palettes chromatiques. Elles font un flop commercial à l’époque, mais s’arrachent aujourd’hui dans les salles des ventes. Mauboussin a toujours une longueur d’avance ! En 1982 est lancée une bague mythique « bourgeoise » en nacre et diamant : Nadia. La maison a alors une clientèle restreinte : 1 500 clients environ – contre plus 350 000 aujourd’hui. La décennie 90 est celle des « années Brunei ». La créativité de Patrick Mauboussin séduit le frère du sultan asiatique. Il devient son directeur artistique, conçoit pour lui bijoux et automates, rénove son hôtel particulier place Vendôme… jusqu’à ce qu’une brouille coupe net la collaboration, en 1998. La maison perd alors 80 % de ses commandes. Le financier Dominique Frémont prend alors le contrôle de l’entreprise, puis m’appelle en 2002 pour tenter de la redresser.


Vous entrez dans le cercle très fermé de la haute joaillerie alors que vous n’y êtes a priori pas prédestiné…

Mon parcours est simple. Je suis issu d’une famille rescapée de la Shoah. Mes parents ne possédaient rien au sortir de la guerre : mon père a été prisonnier au Stalag pendant cinq ans, ma mère s’est enfuie avec mon frère aîné dans un maquis communiste. Un héritage un peu lourd à porter pour moi, né dix ans après cette période « héroïque ». J’ai lu Le Manifeste du Parti Communiste à quatorze ans, Le Capital à seize – j’étais passionné de philo ! J’ai fait mai 68 en tant que président du comité d’action de mon lycée puis j’ai milité au PSU. NEOMA – l’ESC Rouen à l’époque –, je l’ai intégrée grâce aux matières littéraires. À la sortie, je passe les concours pour devenir professeur à HEC… Rien ne prédisposait le gamin habitant place des Bourguignons à Asnières à se retrouver place Vendôme. Rien ! Je dois tout à l’école, qui m’a permis
d’avancer dans la cité.


Propos recueillis par Marianne Gérard


Découvrez la suite de cet entretien dans la version numérique, entièrement gratuite ! 

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